Ordre et Liberté
v2.21
Claude ABAC
"Le second principe de la thermodynamique est la première loi de toute notre science"
Albert Einstein
La thermodynamique au sein de la physique
Le premier principe de la thermodynamique
Le second principe et l’irréversibilité du temps
L'entropie conduit à l'équilibre
Il n'existe pas de source d'entropie négative
Le hasard ne fait pas avancer les choses
La chaleur, et non l'entropie, mesure le désordre
L'entropie mesure la liberté et l'information
La thermodynamique statistique
Probabilités, information et liberté
L'entropie d'un élément en tant que système.
Conséquences physiques de l'entropie
Le monde depuis le big-bang jusqu'à nos jours
Du big-bang à la pensée scientifique
Au début, il y eut le big-bang.
Apparition de la vie sur Terre
Une opinion répandue est que la liberté conduit au désordre, qu'ordre et
liberté sont incompatibles. Si chacun est libre de penser ce qu'il veut, il
est regrettable que les défenseurs de cette idée s'appuient pour cela sur
des arguments pseudo-scientifiques, fondés sur une mauvaise compréhension
de la physique.
Leur argumentation peut, dans ses grandes lignes, se résumer ainsi: un principe
fondamental de la physique est que le désordre augmente. Donc, si nous voulons
manifester de l'ordre – et cela est l'essence de la vie – il faut lutter contre
la croissance naturelle du désordre. Sont justifiées les forces de l'ordre,
et la répression de la liberté.
Le principe physique invoqué est le second principe de la thermodynamique,
qui exprime qu'il existe des phénomènes irréversibles, et le traduit mathématiquement
par le fait qu'une certaine propriété, quantifiable, augmente toujours. Cette
quantité a pour nom scientifique l'entropie, et a été assimilée depuis le
19ème siècle au désordre.
Les partisans de la liberté sont d'accord avec leurs adversaires pour dire
que le désordre augmente toujours. Afin de justifier leur position, ils ont
adopté différentes approches, dont aucune n'est totalement satisfaisante.
En voici un survol rapide:
1/ L'approche anti-scientifique.
C'est l'approche de la plupart des mouvements religieux ou spirituels. Puisque
la vie manifeste de l'ordre, il doit y avoir une source d'entropie négative,
une exception au second principe de la thermodynamique. Différents noms sont
donnés à cette source: Dieu, force de vie, énergie spirituelle, etc.
Le problème est qu'aucune expérience n'invalide le second principe, même en
présence de vie. Un être vivant respecte autant les lois de la physique que
le reste de l'univers.
2/ L'approche biologique.
La plupart des biologistes actuels considèrent que le second principe ne s'applique
pas à un être vivant, car celui-ci est un système ouvert, qui échange matière
et énergie avec l'extérieur.
Cela pose plusieurs problèmes: il est clair que la nourriture est digérée,
que l'air sert à la combustion à l'intérieur du corps, et que tous ces phénomènes
sont irréversibles. Un corps humain n'est pas une machine à refouler l'entropie
dans l'univers extérieur. De plus, le point important n'est pas que le système
soit ouvert ou fermé, mais qu'il soit à l'équilibre ou non; et un être vivant
est une structure globalement à l'équilibre.
cette vision est cependant la plus 'scientifique' à la fin du 20ème
siècle.
3/ L'approche de Prigogine.
Ilya Prigogine essaya de montrer comment il pouvait y avoir apparition d'ordre
dans certaines conditions très particulières.
Je n'insisterais pas sur cette théorie qui, de l'aveu même de son auteur,
fait intervenir des probabilités trop faibles pour expliquer la vie. Son principal
mérite aura été d'essayer d'unifier le monde physique avec le monde du vivant.
L'objet de la première partie de cet essai est de montrer que l'entropie
ne mesure pas du tout le désordre, mais la liberté et l'information. Cela
rend caduques les argumentations précédentes, et permet de mettre d'accord
les deux camps, car ordre et liberté peuvent alors aller de pair.
Nous n'avons pas pour but une quelconque transformation sociale, mais seulement
de clarifier ce que signifie le second principe. Il se trouve qu'à la lumière
de cette nouvelle signification (qui n'est pas si nouvelle, en fait, mais
peu répandue), on peut résoudre un très ancien conflit entre
les hommes, et que cette conséquence est sans doute ce qui motivera le plus
de gens à étudier une science jusqu'ici réputée difficile.
Ayant établi ce qu'est l'entropie, nous en verrons des applications dans
des domaines autres que le monde matériel. Le second principe est universel
et il peut être appliqué à de nombreux systèmes, allant des particules atomiques
aux galaxies. Pourquoi ne s'appliquerait-il pas au monde du vivant? Sans prétendre
à l'exhaustivité, nous montrerons que des faits majeurs de l'évolution du
vivant s'expliquent naturellement par l'accroissement de l'entropie, c'est-à-dire
de la liberté et de l'information possédée par les êtres des différentes espèces.
Nous appliquerons ensuite le second principe à l'évolution de la pensée humaine,
et montrerons comment la liberté de pensée, ainsi que l'information des éléments
de l'humanité que nous sommes n'a cessé d'augmenter depuis la préhistoire.
Nous y verrons également ce que signifie la lutte, et les rapports entre lutte,
désordre et liberté d'un point de vue thermodynamique.
Tout cela sera décrit dans la deuxième partie, qui montre comment le monde
est régi par le second principe à toutes les échelles de temps et d'espace,
depuis le big-bang jusqu'à nos jours.
Une troisième partie présentera différentes conséquences du second principe dans des domaines aussi importants que la philosophie ou la spiritualité. A vrai dire, la nouvelle conception de ce que mesure l'entropie a des conséquences dans pratiquement tous les domaines. N'étant pas expert en tout, nous nous contenterons de donner quelques idées directrices qui, nous l'espérons, seront source d'inspiration pour d'autres personnes plus compétentes.
Parmi toutes les théories physiques, la thermodynamique joue un rôle particulier.
En effet, les autres théories décrivent toutes une forme d’énergie :
gravitationnelle, cinétique, électromagnétique, nucléaire, …
La thermodynamique s’occupe elle des échanges d’énergie : comment on
passe d’une forme d’énergie à une autre.
C'est cette position transversale qui fait qu'elle s'applique aussi bien à la mécanique quantique qu'à la chimie ou l'astrophysique.
Le premier principe est que l’énergie est constante.
Voici un exemple:
Un objet de masse m, situé à la hauteur h, possède une énergie gravitationnelle
mgh (g est une constante). S’il va à la vitesse v, il possède en plus une
énergie cinétique ½ mv².
Lorsqu’on lâche cet objet de la hauteur h, il tombe, sa hauteur diminue et
sa vitesse augmente. En appliquant le premier principe, en disant que la somme
de ses deux énergies est constante, on peut calculer sa position à tout instant.
Dans cet exemple, l’énergie gravitationnelle de l’objet a été convertie en
énergie cinétique.
Si notre objet est une balle qui rebondit parfaitement, il va remonter et
là encore, la somme de ses deux énergies sera constante. Arrivé à la hauteur
h de départ, sa vitesse sera donc nulle et il tombera de nouveau. Ainsi le
mouvement se répètera et il rebondira éternellement.
En pratique, la balle ne rebondit pas parfaitement, elle ira de moins en
moins haut et son mouvement finira par s’arrêter.
Où est donc passée son énergie ?
Elle est passée en chaleur, à chaque fois que la balle touche le sol. Au moment
où la balle rebondit, cela réchauffe la balle et le sol.
Cette chaleur est de l’énergie, mais bien vite elle est répartie dans le sol
et l'air alentour, plus froids.
Lorsque deux corps à des températures différentes sont en contact, leurs températures
s’égalisent.
Si on mélange de la glace et de l’eau bouillante, on obtient de l’eau tiède.
On n’a jamais vu de l’eau tiède devenir spontanément en partie de la glace
et en partie de l’eau bouillante.
Du point de vue du premier principe, cependant, rien ne s’y oppose.
Si le premier principe est essentiel, c’est le second principe de la thermodynamique
qui a fait, et fera encore longtemps couler le plus d’encre.
Albert Einstein en disait que c’est "la première loi de toute notre
science".
Le second principe énonce qu’il existe une quantité physique, mesurable, appelée entropie, qui a la propriété d’augmenter toujours.
Comme cette quantité augmente toujours, il est impossible de revenir en arrière.
Le second principe traduit mathématiquement cette constatation que des phénomènes
physiques sont irréversibles.
L’entropie est la seule quantité physique qui augmente toujours. Ainsi, à
chaque fois que se produit un phénomène irréversible, on peut être sur que
l’entropie a augmenté.
Quelques exemples :
Lorsqu'on se verse un verre d'eau, l'eau ne rebondit pas au fond du verre
pour en ressortir. C'est l'entropie qui fait qu'elle reste au fond du verre.
Si on mélange de la glace et de l’eau bouillante, on obtient de l’eau tiède.
Lorsqu’on verse du lait dans du café, le lait va peu à peu se mélanger au
café. On ne verra plus jamais le lait et le café séparés.
Si on enlève la paroi qui séparait deux gaz, ils vont se mélanger.
Si on ouvre un flacon contenant un gaz, il va s’échapper.
Lorsqu’on frotte deux morceaux de bois, ils chauffent, puis finissent par
s’enflammer.
Lorsqu’on fait un feu, le bois devient braises, puis cendres.
Le fait que le temps soit fondamentalement irréversible est riche de répercussions
philosophiques.
Il est impossible de revenir en arrière. Il est impossible que l’univers soit
un jour tel qu’il a déjà été, car son entropie devrait pour cela diminuer,
et cela n’arrive jamais.
Le principe d’entropie rend caduques toutes les philosophies fondées sur l’idée
d’un retour au paradis originel, ou d’un temps cyclique. Elle rend impossible
le mythe de l’éternel retour.
Comprendre ce que mesure l’entropie est d’une importance cruciale, car c’est la seule quantité qui augmente toujours, c’est l’essence du temps qui passe et qui ne reviendra plus.
L'objet du présent essai est de développer le point de vue sur l'entropie
fourni par la physique moderne, et de rappeler que l'entropie mesure la liberté,
alors que c'est la chaleur, et non l'entropie, qui mesure le désordre.
Comme nous le verrons, cela a de nombreuses conséquences.
Tout système fermé finit par atteindre un état d'équilibre, pour lequel l'entropie
du système est maximale.
Si on enlève la paroi qui séparait deux gaz, ils vont se mélanger. Ils finissent
par former un mélange homogène.
Deux corps en contact finissent par être à la même température.
Un système, une fois arrivé à l'équilibre, apparaît stable de l'extérieur.
Non pas que chaque molécule du système soit elle-même dans un état stable,
mais le système présente des propriétés constantes.
Si on enlève la paroi qui séparait deux gaz, ils se mélangent, et finissent
par former un mélange homogène. La température, la pression, sont les mêmes
en tout point du mélange. Chacune des molécules du mélange a une plus grande
liberté de mouvement, et se déplace maintenant dans tout l'espace occupé précédemment
par l'un ou l'autre gaz.
En fait, tout ce qui apparaît stable dans le temps est un système à l'équilibre
thermodynamique.
Cela est vrai des objets fabriqués par l'homme, et également des différentes
entités qui composent notre univers.
Un objet est un système à l'équilibre thermodynamique. S'il n'interagit pas
avec l'extérieur, il restera éternellement à l'équilibre, il ne 'vieillira'
pas. Bien sur, tout finit par interagir avec l'extérieur, et les objets finissent
par s'user, ou casser.
Un neutron est un système thermodynamique à l'équilibre, dont les 'molécules'
sont les particules élémentaires de la mécanique quantique. Il existe également
de telles particules élémentaires, séparées. C'est l'entropie, en conjonction
avec les différentes formes d'énergie, qui fait que des systèmes de particules
élémentaires finissent par atteindre un état d'équilibre qu'on appelle neutron.
Un neutron est un système de particules élémentaires dont l'entropie est maximale.
Comme c'est un équilibre, il apparaît stable pour un observateur extérieur,
et possède certaines propriétés, différentes de celles des particules élémentaires
qui le composent. Comme nous le verrons, cet équilibre, stable vu de l'extérieur,
est dynamique du point de vue des particules élémentaires, qui changent d'état.
Un atome est un équilibre thermodynamique entre protons, neutrons et électrons.
Ses électrons passent d'un niveau d'énergie à un autre, mais l'atome apparaît
stable vu de l'extérieur. Protons, neutrons et électrons existent également
séparés. C'est l'entropie qui fait que certains s'assemblent pour atteindre
l'équilibre et former un atome.
De même une molécule comme la molécule d'eau, H20, est constituée
d'atomes et constitue un système à l'équilibre.
Ce processus se continue avec les macro-molécules, chaînes de molécules qui
sont à l'équilibre.
Tout système stable dans le temps est à l'équilibre, et son entropie est
donc maximale. Sans l'entropie, les particules élémentaires qui forment l'univers
seraient restées séparées, il n'y aurait eu ni neutrons, ni atomes, ni molécules,
ni vie. Sans l'entropie, l'univers serait resté ce qu'il était au début, un
magma de particules élémentaires.
C'est l'entropie qui a fait apparaître des systèmes stables dans le temps.
Ces systèmes à l'équilibre nous apparaissent comme des unités. On a longtemps cru que les atomes étaient ce qu'il y avait de plus petits, et cela n'empêchait pas d'en découvrir les lois. De même, on peut étudier le comportement d'un gaz sans savoir qu'une molécule est en fait constituée d'atomes.
L'entropie fait tendre tout système vers l'équilibre. Une fois à l'équilibre, un système est stable dans le temps, il apparaît comme une unité possédant certaines propriétés, différentes des propriétés de ses constituants.
Tout système finit par interagir avec l'extérieur. Cette interaction va créer
un déséquilibre à la frontière du système, et il va quitter l'état d'équilibre.
Les molécules finissent par se casser en atomes séparés, les atomes finissent
par redevenir des particules séparées, parce que molécules et atomes sont
en contact avec le reste de l'univers. Des molécules vont finir par se heurter
et se briser; des neutrons vont se désintégrer en particules élémentaires.
Il en est de même des objets. Parce qu'ils sont oxydés au contact de l'air,
érodés par la pluie, en contact avec l'extérieur, tous les objets finissent
par s'user.
Bien sur, ces interactions avec l'extérieur sont irréversibles, et donc l'entropie augmente là encore. Mais ce n'est pas vraiment l'entropie qui est la cause de la dégradation. C'est le fait qu'il y a un extérieur qui finit toujours par interagir avec le système considéré.
L'entropie fait que des éléments séparés forment des systèmes à l'équilibre,
stables dans le temps.
Le fait que ces systèmes interagissent avec le reste de l'univers fait qu'ils
ne durent pas éternellement.
Seul l'univers, parce qu'il ne possède pas d'extérieur, pourra durer éternellement
une fois à l'équilibre.
Est-il possible que, quelque part dans l'univers, l'entropie diminue? La
réponse est non.
Il y a moins d'une chance sur des milliards de milliards qu'un tel phénomène
se soit produit ne serait-ce qu'une fois depuis que l'univers existe.
Prenons un exemple: une bouteille d'un litre de gaz contient environ 1023
molécules (un 1 suivi de 23 zéros!). Un million de molécules représente une
quantité infime de ce gaz. Et pourtant la probabilité que ces molécules choisissent
toutes d'être dans le haut de la bouteille (mettons les 10% du haut) est de
1 sur 101 million (un 1 suivi de 1 million de zéros!!). C'est un
nombre plus qu'astronomique. Il y a environ 1080 atomes dans l'univers,
un nombre ridiculement petit en comparaison.
Toute théorie basée sur l'hypothèse d'une source d'entropie négative est condamnée
à l'échec.
J'aimerais être clair sur ce point. Les chances pour qu'un phénomène aussi infime que cette très petite accumulation de molécules ait eu lieu une fois quelque part dans l'univers depuis qu'il existe sont quasiment nulles. Il est plus probable que Dieu soit effectivement un vieillard avec une barbe blanche ou que le monde soit la Matrice d'un jeu informatique. Si vous persistez à penser que c'est peut-être, malgré tout, ça qui explique, par exemple, la vie, n'en voulez pas aux gens qui vont dans des sectes. Il est plus probable que ce soit leur gourou qui ait raison.
Le hasard n'explique pas l'univers. Le hasard ne fait pas évoluer les choses.
Un jour, un homme a écrit la théorie de la relativité. Cela peut-il être un
simple fruit du hasard? La réponse est non.
Un milliard d'ordinateur qui génèrerait chacun un nouveau texte 1 milliard
de fois par seconde, ne génèreraient pas la théorie de la relativité avant
des milliards de fois l'age de l'univers (en faisant tenir toute cette théorie
sur seulement une demi-page, 1000 caractères! Plus il faut de pages, plus
il faut de temps en moyenne). On retombe là encore sur des possibilités théoriques
aux probabilités tellement faibles qu'on pourrait aussi bien croire n'importe
quoi.
Durant tout ce processus, l'entropie n'augmente pas. La raison en est que
tout ce processus est réversible. Chaque ordinateur aurait tout aussi bien
pu générer ses textes dans l'ordre inverse. Une suite de nombres au hasard,
lues à l'envers, est une suite de nombres au hasard.
Comme ce processus est réversible, l'entropie reste constante.
Si le hasard n'explique pas l'apparition de la théorie de la relativité,
il n'explique pas non plus des merveilles physiques comme les flocons de neige.
Le hasard ne fait pas 'avancer les choses'. C'est l'entropie qui explique
les flocons de neige. C'est l'entropie qui fait 'avancer les choses'.
L'entropie n'est pas la combinaison du hasard et d'une sélection qui éliminerait
les éléments dont l'entropie est la plus faible. Car le hasard suivi d'une
sélection ne peut rien produire de plus que le hasard.
Ce n'est pas en éliminant certains textes parmi les milliards de textes produits
par les ordinateurs de notre exemple qu'on fera apparaître la théorie de la
relativité. Il faudrait orienter la production des textes dans une certaine
direction. Mais ça, c'est ce que fait l'entropie, pas le hasard suivi d'une
sélection.
Depuis le 19ème siècle, on assimile la chaleur au désordre. La
chaleur est de la température pour une certaine quantité de matière. Pour
être précis, on dit que la chaleur est de l'énergie désordonnée, et que la
température mesure l'agitation moléculaire.
La température mesure (le carré de) la vitesse des molécules d'un gaz qui
ne sert à rien d'autre qu'à faire du sur place. Les molécules d'un gaz se
déplacent lentement dans le récipient qui le contient, mais en s'agitant à
toute vitesse. La température mesure cette agitation, tout ce mouvement inutile
autour d'une position fixe.
La froideur crée de l'ordre: les corps très froids ont des structures très
ordonnées, très régulières. A température très basse, les atomes sont calmes.
L' idée que l'entropie mesure le désordre vient également de la thermodynamique
classique, née au 19ème siècle. En thermodynamique classique, l'unité
de l'entropie est de l'énergie divisée par de la température, ce qui n'était
pas très parlant, et empêchait de voir clairement sa nature. Dans la mesure
où un moteur thermique ne fournissait plus de travail à l'équilibre des températures,
semblable en cela à des ouvriers en grève, l'entropie fut assimilée au désordre
(social).
Depuis, la thermodynamique statistique, dans la première moitié du 20ème
siècle, a été une reformulation à la fois plus élégante et plus parlante de
la thermodynamique. Elle a conduit à assimiler l'entropie à l'ignorance qu'on
a d'un système, ou à la liberté que possèdent les éléments du système.
Les deux points de vue, classique – le désordre - et statistique – ignorance
ou liberté -, cohabitent à la fin du 20ème siècle, dans la mesure
où:
- désordre et ignorance sonnent bien ensemble (les deux sont péjoratifs)
- on est habitué à l'idée que la liberté conduit au désordre.
Alors, que penser? Est-ce l'entropie, ou la chaleur, qui mesure le désordre?
Ou bien alors les deux vont-ils ensemble?
L'entropie n'est pas spécialement liée à la chaleur. Par exemple, lorsqu'on
libère un gaz, il prend du volume, sa température diminue et son entropie
augmente. C'est pour cela qu'un vaporisateur rafraîchit. Le fait que l'entropie
augmente est dû au caractère irréversible du processus: jamais on ne verra
le gaz rentrer spontanément dans le récipient d'où il est sorti.
Un autre exemple, plus fondamental: à l'échelle de l'univers, depuis le big-bang,
l'entropie n'a cessé d'augmenter, c'est une loi de la nature, et la température
n'a cessé de baisser, car l'univers est en expansion (comme lorsqu'on libère
un gaz).
Les exemples tendant à prouver que l'entropie mesure le désordre et pour
lesquels la température augmente, ne font que prouver que la chaleur mesure
bien le désordre.
L'exemple le plus courant est le frottement. Le frottement crée du désordre
parce que la température des objets en contact augmente, et donc leur chaleur.
Ce processus est irréversible, parce que la chaleur se répartit alentour.
Le frottement montre que, sans l'entropie, le monde serait extrêmement désordonné
aux points de contact.
S'il est naturel d'assimiler la chaleur au désordre (et la froideur à l'ordre),
cela n'est pas le cas pour l'entropie.
Un mélange homogène n'est pas désordonné, il est uniforme.
L'univers physique n'est pas désordonné. Au contraire, les hommes ont toujours
été fascinés par l'ordre de l'univers. Pourtant son entropie ne cesse d'augmenter
depuis le big-bang. C'est sa froideur qui le rend ordonné.
Le désordre est une conséquence du frottement, qui fait augmenter la température,
l'agitation, et donc la chaleur de l'objet frotté.
Les raisons pour lesquelles l'entropie a longtemps été assimilée au désordre
sont les suivantes:
1/ Les objets s'usent.
Comme nous l'avons vu, ce n'est pas vraiment l'entropie qui provoque cette
usure, mais plutôt le fait que tout objet est en interaction avec l'extérieur.
En revanche, c'est l'entropie qui fait qu'il y a des objets, qu'il y a des
systèmes qui conservent une certaine stabilité dans le temps.
2/ Tout mélange devient homogène.
Voir le désordre dans un mélange homogène n'est pas très naturel. Un mélange
homogène est uniforme, le désordre n'est pas spécialement uniforme.
Dans un mélange homogène, chaque particule a une liberté de mouvement maximale,
elle peut aller partout. L'ordre ou le désordre résultant dépendent de la
température du mélange.
3/ Toute énergie finit par se transformer en énergie calorifique, en différence
de température, et cette différence, à cause de l'entropie, tend à s'annuler.
C'est ce phénomène qui fait qu'un moteur thermique ne peut totalement convertir
son énergie calorifique en une autre. La source chaude et la source froide
vont peu à peu égaliser leurs températures, et il n'y aura plus d'énergie
calorifique utilisable.
La chaleur mesurant le désordre, on peut voir le phénomène ainsi: un système
chaud, désordonné, mis au contact d'un système froid, ordonné, possède une
certaine énergie utilisable. Ordre et désordre, mis en contact, peuvent fournir
de l'énergie. Dans le même temps, le système désordonné devient de plus en
plus ordonné, tandis que le système ordonné devient de plus en plus désordonné.
Le désordre moyen reste constant.
L'entropie augmente, mais pas le désordre. S'il est vrai que le système ne
peut pas fournir d'énergie utile à l'équilibre, cela ne le rend pas inutilisable
pour autant: en contact, par exemple, avec une source très froide, il pourra
fournir la même énergie calorifique qu'au départ.
Ce phénomène d'égalisation des températures, d'uniformisation, a conduit
à l'idée de la mort thermique de l'univers: dans un lointain futur, lorsque
l'univers sera à l'équilibre ou presque, la température de l'univers sera
uniforme, il n'y aura plus là qu'un mélange homogène, sans vie.
S'il est vrai qu'à l'équilibre, la température de l'univers sera uniforme,
cela n'est la 'mort' que pour un être qui utiliserait l'univers, en étant
à l'extérieur de l'univers. Le point de vue qui nous intéresse ici, nous êtres
vivants au sein de cet univers, est le point de vue des particules du système.
Par exemple, lorsqu'on ôte la paroi qui sépare deux gaz, du point de vue des
molécules, la liberté de mouvement augmente. A l'équilibre, chaque molécule
est libre d'aller dans n'importe laquelle des deux parties.
Que veut dire que l'entropie est maximale à l'équilibre des températures,
du point de vue des éléments des deux systèmes concernés?
Si l'entropie ne mesure pas le désordre, alors que mesure-t-elle?
La thermodynamique statistique nous apporte une réponse.
La thermodynamique statistique est née au début du 20ème siècle. Elle permet de retrouver tous les résultats de la thermodynamique classique, mais avec une approche probabiliste.
L'univers n'est pas déterministe. Au niveau le plus bas, il est constitué
de particules élémentaires possédant un certain nombre d'états possibles.
Ces particules changent d'état 'au hasard', mais ce hasard n'est pas total.
Par exemple, une particule élémentaire possédant deux états A et B peut passer
deux fois plus de temps dans l'état B que dans l'état A.
De même, les électrons d'un atome peuvent changer de niveau d'énergie 'au
hasard', mais chaque niveau d'énergie ne sera accédé qu'avec une certaine
fréquence.
La thermodynamique statistique étudie les systèmes dont les éléments peuvent
changer d'état suivant certaines probabilités, et permet d'adopter non seulement
le point de vue de quelqu'un d'extérieur au système, mais également celui
des éléments du système.
Elle décrit ce qu'est l'entropie pour les éléments du système, que ce soient
les molécules d'un gaz, les particules élémentaires d'un neutron, ou les systèmes
solaires d'une galaxie.
Considérons une particule élémentaire qui ne peut prendre que deux états
A et B. Dire que l'état A à la probabilité p revient à dire que la particule
passe une fraction p du temps dans l'état A. Si, par exemple, p=1/3, cela
veut dire que la particule passe 1/3 de son temps dans l'état A, elle est
dans l'état A une fois sur trois.
Dans ce cas, elle passe donc 2/3 de son temps dans l'état B. La probabilité
pour que la particule soit dans l'état B est de 2/3, elle est dans l'état
B deux fois sur trois.
Plus généralement, la probabilité pour une particule d'être dans un état
donné est un nombre entre 0 et 1. Elle vaut 0 si la particule n'est jamais
dans cet état, 1 si elle est toujours dans cet état. La somme des probabilités
pour tous les états possibles est égale à 1.
Dans l'exemple précédent, 1/3 + 2/3 = 1.
La notion d'information repose sur deux idées:
1/ un événement rare apporte plus d'information qu'un événement fréquent.
Savoir que Jean est parti à pied ce matin n'est pas très informant s'il part
tous les matins à pied. Ca l'est plus s'il prend habituellement sa voiture.
2/ Les informations fournies par deux évènements indépendants s'ajoutent.
Je cherche à trouver un nombre à deux chiffres, choisi en secret par un ami.
Si je connais le 1er chiffre, cela m'apporte une certaine information.
Si je connais le 2ème , cela m'apporte également de l'information.
La somme de ces deux informations me permet de trouver le nombre secret.
100 = 10 * 10, mais:
L'information que m'apporte la connaissance d'un choix parmi 100 = l'information
que m'apporte la connaissance d'un choix parmi 10 + l'information que m'apporte
la connaissance d'un choix parmi 10.
Lorsqu'un élément passe dans un état de probabilité p, cela lui apporte l'information
log(1/p).
1/ La quantité 1/p mesure la rareté d'un événement. C'est un nombre supérieur
ou égal à 1. Un événement qui arrive 1 fois sur 3 a une rareté de 3. Un événement
qui n'arrive presque jamais a une rareté très grande. Un événement qui arrive
toujours a une rareté de 1.
2/ Le logarithme (noté log) d'un nombre est sa longueur, le nombre de chiffres
qu'il faut pour l'écrire (moins un). Ainsi le logarithme de 1000, log(1000),
est égal à 3. Le logarithme de 1 million (un 1 suivi de 6 zéros) est égal
à 6. Le logarithme d'un nombre entre 1000 et 10000 est un nombre entre 3 et
4, car log(1000) = 3 et log(10000) = 4.
Le logarithme du produit de deux nombres est la somme de leurs logarithmes.
Par exemple, mille fois 1 million fait un milliard, un 1 suivi de 9 zéros.
log(1 milliard) = 9 = log(1000) + log(1 million) = 3 + 6.
C'est pour ces deux raisons que l'information est définie par log(1/p).
Prenons un exemple. Dans un gaz, chaque particule possède une position et une vitesse. Connaître son état – sa position et sa vitesse -, c'est connaître sa position + connaître sa vitesse. Mais si la molécule occupe telle position une fois sur 2, et possède telle vitesse une fois sur 10, elle aura à la fois cette position et cette vitesse en moyenne une fois sur 20.
L'unité de l'entropie, ou de l'information, est le bit (binary digit). 1 bit correspond à une information de type Vrai/Faux, ou Oui/Non.
L’entropie est l’information reçue par un élément du système, en moyenne. Si on appelle pi la probabilité pour un élément d’être dans l’état i (pour i allant de 1 à n, le nombre d’états possibles), on trouve la célèbre formule :
Entropie = somme de tous les pi log(1/pi) , pour i allant de 1 à n.
Ou encore (car log(1/p) = -log(p)):
Entropie = somme de tous les -pi log(pi) , pour i allant de 1 à n.
1 bit d'entropie, ce n'est rien du tout, à notre échelle. L'unité de l'entropie en unités standards, c'est-à-dire 1 Joule/Kelvin, correspond à environ 1023 bits, une quantité d'information largement supérieure aux plus grandes mémoires informatiques existant aujourd'hui. C'est, en gros, l'information que possèdent les molécules d'un litre de gaz.
On peut également considérer qu'une particule élémentaire, pour passer dans
un état de probabilité p, manifeste une certaine liberté.
Comme pour l'information, un événement plus rare manifeste une liberté plus
grande. Celui qui choisit de partir à pied ce matin là, alors qu'il prend
habituellement sa voiture, manifeste une certaine liberté.
Comme pour l'information, la liberté est additive.
Choisir un nombre entier inférieur à 100 – un choix parmi 100 – , c'est choisir
le chiffre des unités et choisir le chiffre des dizaines – deux fois un choix
parmi 10 –. Les libertés s'ajoutent quand les raretés se multiplient.
La liberté est l'information, et vaut donc log(1/p).
L'unité de la liberté est le bit. un bit est la liberté de faire un choix
parmi deux.
Information et liberté sont deux points de vue doublement complémentaires
(!).
- Pour atteindre tel état de probabilité p, un élément d'un système manifeste
une certaine liberté log(1/p).
Une fois atteint cet état de probabilité p, cela lui apporte une certaine
information log(1/p).
Une autre manière de le dire: être plus libre conduit à faire des choix plus
rares. Faire l'expérience de quelque chose de rare, cela apporte plus d'information.
- Ayant atteint un état de probabilité p, un élément d'un système dispose
d'une certaine information log(1/p).
Cette information lui permet de manifester une liberté log(1/p).
Une autre manière de le dire: Disposer de plus d'information rend plus libre,
permet de faire des choix plus rares.
Pour reprendre l'exemple du mélange de deux gaz, au départ, une molécule du premier gaz a une probabilité nulle d'aller dans l'autre compartiment. Puis la paroi est retirée, et le jeu des probabilités changent sans cesse, jusqu'à l'équilibre. A l'équilibre, le système est stable, le mélange est homogène, et la liberté de mouvement de chaque particule est maximale. Chacune peut être également dans un compartiment ou dans l'autre.
L'entropie mesure l'information, ou encore la liberté, des éléments d'un
système.
Le second principe énonce que l'information, ou la liberté est maximale à
l'équilibre.
Poursuivons l'exemple du mélange de deux gaz. Que veut dire que l'information
est maximale à l'équilibre?
D'un point de vue extérieur, c'est plutôt l'ignorance qui est maximale. Un
observateur extérieur voit un mélange homogène, et ne peut pas dire dans quel
compartiment se trouve une molécule donnée.
Mais une molécule donnée possède cette information. Elle 'sait' où elle se
trouve.
Imaginons, pour simplifier encore, qu'on lâche une molécule verte dans un
récipient de gaz rouge. Si on sait dans un premier temps qu'elle ne peut pas
être très éloignée du point d'entrée, assez vite on ne peut plus dire où elle
se trouve; c'est l'équilibre. Notre ignorance de sa position est totale, mais
il est possible de la connaître en faisant une expérience (par exemple, on
replace la paroi et on 'filtre' chaque compartiment). Cette expérience va
nous renseigner sur sa position, et donc nous apporter une certaine information,
l'information que possède cette molécule verte du fait qu'elle occupe cette
position.
On emploie ici les mots observation et expérience dans un sens précis. Lorsqu'on
observe un système, on en connaît les propriétés macroscopiques, qu'il a en
tant qu'unité. S'il est à l'équilibre, notre ignorance des propriétés des
éléments qui le composent est maximale.
On peut connaître les propriétés d'un élément donné d'un système en faisant
une expérience. Cette expérience nous fournit une certaine information sur
les propriétés de cet élément, l'expérience nous communique l'information
qu'il possède en tant qu'élément du système. Si le système est à l'équilibre,
chaque élément possède une information maximale.
L'ignorance est l'information. Enoncée ainsi, cette phrase peut surprendre,
mais elle est vraie si on utilise ces mots dans un sens précis. L'ignorance
est possédée par un observateur extérieur. L'information est possédée par
un élément du système.
Plus l'information possédée par un élément est grande, plus il fait des choix
rares, plus sa liberté augmente. Il est plus simple de voir le lien entre
liberté et ignorance. Si les éléments d'un système sont libres, un observateur
extérieur ne peut pas savoir dans quel état ils se trouvent.
A l'équilibre, les molécules d'un mélange de deux gaz sont libres d'aller
partout, et notre ignorance de leurs positions est maximale.
Les éléments d'un système possèdent de plus en plus d'information. Cette information est mesurable, son unité est le bit (binary digit). Pour mesurer cette information, il faut faire une expérience. Assimiler l'entropie à l'information est pertinent lorsqu'on se place du point de vue des éléments d'un système. L'assimiler à l'ignorance est pertinent lorsqu'on se place du point de vue d'un observateur extérieur.
Lorsqu'on parle de l'entropie de quelque chose, par exemple l'entropie d'une
molécule de gaz, il faut toujours préciser si on en parle en tant qu'élément
ou en tant que système; si on considère cette molécule de gaz comme élément
du gaz ou comme système d'atomes à l'équilibre.
Si on est en train d'observer l'expansion d'un gaz, l'entropie d'une molécule,
en tant qu'élément du système qui est le gaz, ne cesse d'augmenter, sa liberté
de mouvement augmente sans cesse. Mais l'entropie de cette même molécule,
en tant que système d'atomes en équilibre, est constante, puisque la molécule
est stable dans le temps.
Les éléments d'un système, du fait même qu'on en parle en tant qu'éléments,
ont une certaine stabilité dans le temps. Ils sont à l'équilibre, en tant
que systèmes, et leur entropie est donc constante. Notre ignorance de leur
état interne est maximum. Mais le système lui-même peut ne pas avoir atteint
l'équilibre, et l'entropie de ses éléments, en tant qu'éléments, leur liberté
donc, augmente.
Il n'est pas nécessaire de connaître le fonctionnement interne des éléments
d'un système pour l'étudier. Ces éléments sont dans certains états, avec certaines
probabilités, peu importe le mécanisme physique sous-jacent.
Par exemple, un gaz contient des molécules possédant des propriétés statistiques,
qui se manifestent par la température, la pression, … Il n'est pas nécessaire
de savoir que les molécules rebondissent les unes contre les autres pour étudier
un tel système. Certainement, tout finit par être explicable, mais cette explication
n'apporte rien à l'étude thermodynamique d'un système gazeux.
Le raisonnement thermodynamique a pour principe de ne pas faire de 'psychologie'
des éléments du système, et de se contenter de les voir comme ayant certains
états avec certaines fréquences.
Le second principe de la thermodynamique énonce que l'entropie augmente toujours, pour être maximale à l'équilibre.
Du point de vue d'un observateur extérieur, il énonce que l'ignorance d'un
système augmente, pour être maximale à l'équilibre.
Du point de vue des éléments du système, il énonce que leur information et
leur liberté augmente, pour être maximale à l'équilibre.
Le second principe de la thermodynamique classique énonce que l'entropie
varie plus à température basse.
La liberté augmente plus dans le calme.
La théorie de l'information est une application des concepts clés de la thermodynamique
- entropie et chaleur – à des textes. Fondamentalement, un texte est une suite
finie de lettres, prises dans un alphabet. On peut toujours se ramener au
cas où l'alphabet est composé de deux 'lettres', 0 et 1. Un texte est alors
une suite de 0 et de 1.
L'entropie d'un texte peut être calculée à partir de la fréquence des 0 et
des 1. Elle est maximale lorsque les 0 et les 1 apparaissent équitablement.
Elle est minimale, et vaut 0, lorsque le texte ne contient que des 0 (ou que
des 1).
Cela a conduit une fois de plus à assimiler l'entropie au désordre, puisque
un texte 'au hasard' possède une forte entropie.
L'entropie mesure l'information. Un fichier HTML (une page web) contient une
certaine information. Ce fichier peut être compressé, et dans le fichier compressé,
les 0 et les 1 apparaissent équitablement (si ce n'était pas le cas, il pourrait
être compressé plus encore). Dans un fichier compressé, l'entropie est maximale.
L'information est codée sans redondance. Si cela a l'apparence du hasard,
c'est parce que les fichiers possédant une entropie maximale sont plus nombreux
que ceux d'entropie moindre.
Le désordre, qui représente la chaleur en thermodynamique, s'appelle ici
le bruit. Lorsqu'un texte va d'un endroit à un autre, il se peut qu'il soit
modifié. Cela est du en pratique à l'imperfection des canaux de transmissions
physiques, elle-même due à l'interaction avec le milieu extérieur. En pratique,
le bruit produit de petites modification du signal autour d'une valeur moyenne.
Il est fonction de ces écarts comme la température est fonction de l'écart
de vitesse des molécules par rapport à leur vitesse moyenne. Le bruit fait
que des lettres changent dans le texte.
Pour ne pas être victime du bruit, le texte doit posséder une certaine redondance,
et donc une plus faible entropie. Ainsi une erreur sur un seul bit d'un fichier
compressé peut le rendre illisible, alors que cela sera sans conséquence sur
un fichier muni d'une forme de redondance.
Moins il y a de bruit, plus l'entropie peut être élevée. L'information circule plus vite dans le calme.
Une propriété remarquable des systèmes à l'équilibre est que, étant stables
dans le temps, ils apparaissent comme des unités possédant certaines propriétés.
Les particules élémentaires possèdent certaines propriétés. Par l'entropie,
elles forment des systèmes en équilibre, comme les neutrons. Un neutron possède
certaines propriétés physiques, différentes, qui ont été découvertes bien
avant qu'on ne connaisse l'existence des particules élémentaires.
De même, on a longtemps crû que les atomes étaient indivisibles (d'où leur
nom), et cela n'a pas empêché d'en étudier les propriétés. Ces propriétés
sont émergentes, au sens où ce ne sont pas les propriétés des composantes.
En fait, un électron change sans cesse de niveau d'énergie, et comme tous
les électrons font cela, le système apparaît comme stable, comme un atome.
Pression et température sont des propriétés émergentes, qui n'ont pas de sens pour une seule molécule de gaz, même si on peut donner une explication moléculaire du phénomène.
Les particules élémentaires forment des équilibres appelés protons et neutrons.
Ces particules forment des équilibres appelés atomes.
Les atomes forment des molécules, les molécules des amas de molécules.
Les acides aminés, des amas de molécules, constituent les protéines.
Comme le principe d'entropie s'applique à toutes les échelles, il en résulte des emboîtements de plus en plus complexes de systèmes à l'équilibre.
Le point clé est que l'entropie est la cause de l'équilibre, de l'existence
de systèmes apparaissant comme des unités.
Ce point acquis, on peut donc avoir des systèmes de systèmes, puis des systèmes
de systèmes de systèmes, etc.
Avec le temps sont apparus des systèmes de plus en plus complexes.
Un système à l'équilibre ne le reste pas éternellement. Cela est heureux,
car sinon la liberté de ses éléments n'augmenterait plus.
C'est son milieu, son environnement, son extérieur, qui fait qu'un système
ne dure pas.
Deux cas extrêmes peuvent se produire:
1/ Le milieu déplace l'équilibre, sans faire perdre au système son unité.
C'est ce qui arrive lorsque j'appuie le doigt sur un ballon gonflable (et
gonflé). Sa forme change, et les molécules se répartissent de nouveau équitablement
dans la nouvelle forme.
Cela permet à un système d'augmenter son entropie sans perdre son unité.
Nous dirons dans ce cas que le système s'est adapté à son environnement.
2/ Le milieu rompt l'équilibre.
C'est ce qui arrive lorsque je fais éclater un ballon gonflable avec une pointe
d'épingle.
C'est également ce qui arrive lorsqu'une particule percute un atome et le
fait exploser en ses composantes.
Le système n'existe plus en tant que tel.
Nous dirons dans ce cas que le système a disparu parce qu'il n'a pas su s'adapter.
Dans les systèmes complexes, fortement imbriqués, il arrive souvent que chacune
des composantes se disperse elle aussi en ses propres composantes, et ainsi
de suite.
L'entropie est une quantité physique qui augmente toujours avec le temps.
Elle mesure la liberté, l'information des éléments du système considéré. L'entropie
ne mesure pas du tout le désordre; c'est la chaleur qui mesure le désordre.
C'est l'entropie qui fait qu'il existe des systèmes stables dans le temps,
qui apparaissent donc comme des unités. Elle a pour conséquences dans le monde
physique la diversité, la complexité et l'émergence de nouvelles propriétés.
Le frottement a pour conséquence la chaleur, donc le désordre.
L'entropie augmente plus à température froide.
La liberté augmente plus dans le calme.
Maintenant que nous avons les outils nécessaires à une description thermodynamique du monde, cette partie se propose de parcourir les grandes étapes de l'évolution de l'univers, depuis son origine jusqu'au monde actuel.
Nous y verrons comment tous les phénomènes irréversibles, y compris l'évolution du vivant, et l'évolution humaine, sont une conséquence de l'augmentation de l'entropie.
Peu après l'origine, c'est-à-dire beaucoup moins d'un milliardième de seconde
après le début de l'univers, celui-ci était extraordinairement compact, tout
ce que nous connaissons tenait dans bien moins qu'une tête d'épingle. Malgré
cela, c'était un magma bouillonnant, car la température était elle aussi extraordinairement
élevée, plusieurs dizaines de milliers de degrés.
L'entropie était minimale, et si les particules élémentaires qui seules existaient
étaient très agitées, leur liberté était minimale, elles ne pouvaient pas
se déplacer autrement qu'en faisant du sur place.
Le big-bang fut une création pure d'entropie.
Le big-bang fut une création pure d'information.
Le big-bang fut une création pure de liberté.
Depuis, cette entropie n'a cessé d'augmenter.
Chaque fois qu'un phénomène physique est irréversible, c'est une conséquence
de l'entropie.
Les particules élémentaires de la physique quantique, des lois de probabilité,
formèrent les composants des noyaux des atomes: neutrons et protons.
Puis ceux-ci s'assemblèrent en molécules.
Eurent lieu des réactions chimiques engendrant toujours plus de variété.
Certaines molécules se séparèrent de nouveau en leurs composants, pour former des molécules possédant plus de degrés de liberté.
Si la gravitation attire les corps, elle le fait de façon réversible dans
le temps. C'est l'entropie qui fait que la matière finit par s'assembler en
blocs de plus en plus gros, à s'affaisser sur elle-même, pour finir par former
les divers corps célestes: soleils, planètes, comètes, …
Ces corps forment eux-mêmes des équilibres appelés systèmes solaires. Un système
solaire est un système de corps soumis aux lois de la gravitation, et ayant
atteint un équilibre.
Les systèmes solaires forment des galaxies, elles-mêmes formant des amas de
galaxies.
De nos jours, observant l'univers à l'aide de puissants télescopes, on y
découvre un monde d'une grande richesse: naines blanches, amas galactiques,
supernovae, trous noirs, …
On peut même observer l'évolution des galaxies, comment elles atteignent l'état
d'équilibre, y restent, puis finissent par exploser en particules séparées.
De l'infiniment petit à l'infiniment grand, le second principe de la thermodynamique s'applique toujours: l'entropie augmente avec le temps. Ainsi, tout cet univers physique est la manifestation de l'augmentation de l'entropie, de l'augmentation de l'information possédée par les éléments du système, de l'augmentation de la liberté des éléments du système.
Vous pouvez en avoir quelques exemples en regardant un coucher de soleil, en contemplant la nuit étoilée, en regardant la mer. La diversité du monde physique se manifeste à toutes les échelles.
Les hommes ont toujours été fascinés par l'ordre naturel manifesté par l'univers physique.
L'univers était au tout début extraordinairement concentré, et extraordinairement
chaud.
Depuis le big-bang, l'univers est en expansion, sa température diminue, et
est aujourd'hui proche du zéro absolu.
Par ailleurs, l'univers est quasiment vide, en terme de densité de matière.
Sa chaleur est donc extrêmement basse.
L'univers est froid, ordonné, calme.
La révolution majestueuse des planètes autour du soleil, de la lune autour de la terre, du soleil dans la galaxie, manifestent l'ordre de l'univers.
L'univers est de plus en plus calme, et la liberté augmente plus dans le
calme.
Calme, ordre, liberté, information, ne peuvent qu'augmenter à l'échelle de
l'univers.
De même qu'on peut observer l'imbrication des systèmes dans le domaine de l'infiniment petit – particules, neutrons, atomes, molécules, … - de même on peut constater ce phénomène dans le domaine de l'infiniment grand.
Les systèmes solaires forment des galaxies. Chaque galaxie est un équilibre
de corps qui se comporte comme une unité, au sein d'amas de galaxies.
Ces amas de galaxies forment eux-mêmes des amas d'amas de galaxies. Le phénomène
se répète encore à des échelles plus grandes.
La diversité du monde est conséquence de l'entropie, qui est liberté.
L'ordre du monde est conséquence de sa froideur.
Les rondes imbriquées de la terre autour du soleil, de notre système solaire
dans la voie lactée, de la voie lactée elle-même sont des conséquences de
la complexité croissante.
Un être vivant n'est pas un système fermé. Au contraire, une caractéristique
de la vie est qu'elle s'alimente d'une manière ou une autre en énergie, puis
utilise cette énergie pour manifester une certaine liberté. La vie permet
à des systèmes à l'équilibre d'augmenter leur liberté en tant qu'unité par
de légères modifications, par la nutrition, du système.
Pour des raisons de conservation de l'énergie, un système fermé à l'équilibre
ne peut avoir une bien grande liberté de mouvement. Car le mouvement choisi
réclame une certaine énergie. Si les molécules d'un gaz disposent d'une certaine
liberté de mouvement, elles nous apparaissent quand même comme très déterminées
(au sens du déterminisme). La vie ne pouvait apparaître qu'avec des systèmes
capables de prendre une certaine énergie de l'extérieur.
Lorsqu'on parle de l'entropie d'un être vivant, il faut comme toujours bien préciser si on en parle en tant que système à l'équilibre ou en tant qu'élément d'un système (qui est son écosystème, pas nécessairement à l'équilibre). Cette précision devient d'autant plus utile que l'entropie d'un être vivant en tant que système n'est pas rigoureusement constante, puisqu'il se nourrit. Nous adopterons ici par défaut le point de vue des formes de vie comme éléments du système écologique dans lequel ils vivent.
Certains atomes s'assemblèrent en molécules de plus en plus grandes, celles
qu'étudie la chimie organique.
Ces molécules s'assemblèrent en macromolécules,
Grâce à l'entropie, les molécules se regroupèrent en nucléotides, en acides aminés et les acides aminés en protéines. Tout ces systèmes imbriqués devenaient de plus en plus complexes.
Apparurent de simples poches tout juste capable de 'manger' en laissant passer
ou pas l'extérieur à travers une membrane, à la frontière entre l'inerte et
le vivant.
De même qu'il n'est pas apparu un seul atome de carbone dans l'univers, mais
des milliards, de même apparurent des milliards de ces blocs de matière, capables
de se 'nourrir', qui formaient une unité.
Ces équilibres duraient et grandissaient, puis 'mouraient', redevenaient des
composants séparés, sous l'effet de forces extérieures. Il arrivait également
qu'ils réussissent à se nourrir du monde extérieur changé, conduisant à de
nouveaux équilibres à l'intérieur de leur 'corps'.
certains furent un jour capables de se diviser.
La duplication parfaite ne fait pas augmenter l'entropie, mais l'entropie
fait que, dans ce monde physique, la duplication parfaite n'existe pas.
C'est le fait que la division cellulaire ne soit pas parfaite qui a permis
l'évolution de ces formes de vie. Ces imperfections dans la duplication ne
suivent pas la loi du hasard mais de l'entropie. Elles conduisent à augmenter
l'entropie de chaque cellule, à la rendre de plus en plus libre, en tant qu'élément
du système considéré.
Les cellules formèrent des systèmes de cellules en équilibre. Là encore,
c'est l'entropie qui conduisit à ce qu'une 'soupe' de cellules se regroupe
en systèmes stables dans le temps, formant une unité.
Il y eut les plantes, puis enfin les premiers animaux. La vie devenait des
emboîtements de plus en plus complexes de systèmes à l'équilibre.
Dans cette progression se manifestait toujours plus de liberté de mouvement,
de liberté d'action.
Durant tout ce processus, l'entropie de l'univers physique ne cessa pas d'augmenter. La vie n'invalide pas les lois de la physique, mais au contraire les confirme. Un être vivant constitue un élément à forte entropie, dont l'entropie croît, comme dans le reste de l'univers.
Les premières formes de vie se dupliquaient par division. Plus tard, certaines
d'entre elles dupliquèrent seulement un code décrivant la future forme de
l'être vivant.
Le fait de ne dupliquer qu'un génotype (l'ADN) soumis à l'entropie permit
beaucoup plus de variété dans le phénotype (l'être vivant lui-même).
La reproduction sexuée, en permettant le mélange de l'ADN de deux corps, augmenta encore plus l'entropie, la liberté du vivant.
Les étapes majeures de l'évolution des modes de reproduction du vivant s'expliquent simplement par une augmentation continuelle de l'entropie, de la liberté des éléments du système.
A des échelles de temps plus petites que le temps de l'évolution, se créèrent
d'innombrables équilibres écologiques constitués de différentes espèces,
également dus à l'entropie.
Les éléments des écosystèmes sont les êtres qui y vivent; à l'équilibre, chaque
être dispose d'une liberté maximale, et les proportions des différents membres
de chaque espèce ne varient plus. L'écosystème est stable vu de l'extérieur,
et offre en moyenne le maximum de liberté à chaque être à l'intérieur du système.
On peut comparer un tel système à un mélange gazeux, chaque espèce étant un
gaz différent, et les êtres vivants étant les molécules des différents gaz.
L'entropie fait que le système tend vers un équilibre, qui est l'écosystème,
le système à l'équilibre écologique.
Au sein d'un système écologique, les êtres vivants ont de plus en plus de
liberté, jusqu'à atteindre l'équilibre.
Un système à l'équilibre qui reste sans contact avec le monde extérieur n'évolue
que par l'entropie de la reproduction. Il arrive encore de nos jours qu'on
tombe sur de tels systèmes, préservés du monde extérieur, nous montrant la
vie comme elle était il y a longtemps.
Mais aucun équilibre n'est éternel, car il va finir par être en contact avec
le monde extérieur.
A l'échelle du temps de l'évolution, d'innombrables écosystèmes se sont ainsi
crées par entropie, puis ont été perturbés par le monde extérieur. L'écosystème
a disparu en tant que tel. Les différentes espèces en présence ont atteint
un nouvel équilibre, augmentant encore en liberté de mouvement et d'action.
Les espèces se sont transformées.
De même que certaines réactions chimiques cassent des molécules, ne laissant
que des atomes séparés, de même il arrive que lors d'une perturbation, une
espèce disparaisse en tant que telle.
Les dinosaures sont devenus matière organique, inerte, soumise à l'entropie,
mais sans unité. Ils n'ont pas su s'adapter à leur milieu.
L'apparition de nouvelles espèces a comme cause les déséquilibres des écosystèmes
dus à des causes extérieures.
La transformation des espèces a comme cause la reproduction au sein de cette
espèce. La reproduction fait que chaque génération manifeste plus de liberté.
Cela peut se manifester par un changement graduel de la forme du corps.
Les différents atomes sont apparus partout dans l'univers, sans pour autant
qu'il y ait eut un premier atome qui se serait 'multiplié' en migrant. Cela
est simplement dû au fait que les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Il n'est pas nécessaire de considérer qu'il y ait eu une cellule primitive,
qui se serait reproduite et se serait déplacée partout sur terre pour produire
les autres cellules. Il est tout à fait possible que les premières cellules
soient apparues un peu partout sur terre, durant la même période de temps.
L'idée d'une seule cellule primitive est la seule concevable si la probabilité
que la vie apparaisse est infime. Cette probabilité est effectivement infime
si la vie va à l'encontre du principe d'augmentation de l'entropie. Mais la
vie est la prolongation de ce principe; l'entropie ne mesure pas le désordre,
mais la liberté.
Pour la même raison, il n'est pas nécessaire de considérer qu'il y ait eu
un premier homme, et en général un premier de chaque espèce. Si c'était le
cas, il faudrait pour expliquer la répartition des espèces supposer de vastes
migrations, dont certaines, de l'aveu même des biologistes du 20ème
siècle, sont impossibles.
Les êtres vivants, de plus en plus libres, reçurent donc de plus en plus
d'information à propos de leur état. Les animaux les plus évolués commencèrent
à ressentir des émotions.
Peur, joie, colère, tendresse, ces émotions peuvent être observées chez de
nombreux animaux.
Avant qu'apparaisse le langage articulé, les êtres vivants les plus évolués
furent capable de se transmettre des émotions les uns aux autres.
Ressentir des émotions est une propriété émergente des formes de vie évoluées.
Les émotions furent une conséquence du fait que les formes de vie avaient
de plus en plus d'information sur elles-mêmes, sur leur état. Cet état comprenait
leur frontière - leur peau, leurs yeux, tous les divers récepteurs que la
nature a inventée - ainsi que leur état interne, comme unité composée de divers
éléments en équilibre.
Lorsqu'un chien voit son maître, les récepteurs que sont ses yeux changent
d'état, et ces changements, amplifiés par le cerveau, vont avoir des conséquences
dans tout le corps. Il va par exemple éprouver de la joie. Ce qui change n'est
pas tellement l'énergie apportée par les rayons lumineux, mais l'information,
l'entropie du signal lumineux. Cette information va se diffuser dans tout
le corps, changeant tous les jeux de probabilité de milliards d'éléments,
à différentes échelles. Ce chien va éventuellement choisir d'aller vers son
maître.
L'étude des êtres vivants montre une diversité croissante, les différentes
formes de vie apparaissant au cours du temps ayant manifesté une liberté d'action
toujours plus grande.
Diversité, variété, créativité sont des conséquences du principe d'augmentation
de la liberté.
La théorie de l'évolution est la théorie de l'évolution de la liberté. La complexité est une conséquence de l'universalité du second principe.
Soyons clairs: il n'est pas besoin de sélection naturelle pour expliquer
l'évolution des espèces. La sélection naturelle n'a aucune existence du point
de vue de la physique (quelle serait son unité?), et n'est pas nécessaire
pour expliquer l'évolution du vivant, pas plus qu'elle n'est nécessaire pour
expliquer l'évolution des galaxies.
La théorie de l'évolution est l'application du principe d'augmentation de
la liberté des éléments d'un système au monde du vivant.
Mais si le second principe explique l'évolution du vivant, la sélection naturelle
l'explique aussi. Pourquoi privilégier une théorie plutôt qu'une autre? La
raison n'est pas d'ordre scientifique, mais épistémologique, et repose sur
un principe d'économie connu sous le nom de rasoir d'Ockham: dans une théorie,
il ne doit pas y avoir de nom pour des choses inobservables. Par exemple,
les êtres meurent, mais la mort n'existe pas en tant qu'entité physique, mesurable,
qui ferait que les êtres meurent.
De même la sélection naturelle n'existe pas en tant qu'entité physique, mesurable,
qui empêcherait les moins évolués de se reproduire. Au mieux pourrait-on dire
que par définition, on appelle moins évolués ceux qui ne se reproduisent pas,
et il n'y a pas besoin de sélection naturelle pour expliquer cette définition.
Les espèces les plus évoluées sont celles dont la descendance est la plus
libre et la plus variée, pas la plus nombreuse.
Les premiers hommes apparurent sur Terre.
Un pouce opposable leur donna une grande liberté d'action.
Puis petit à petit, ils passèrent des borborygmes des grands singes au langage
articulé.
Il leur devenait possible de communiquer, d'échanger de l'information.
Cette capacité de pouvoir échanger de plus en plus grandes quantités d'information
grâce au langage articulé nous singularisa vite des autres animaux.
Les premiers hommes vivaient en petits groupes isolés les uns des autres,
un peu comme les tribus de singes. Avec la parole, ils commencèrent à se rassembler
pour partager leurs informations.
Le langage permettait de recevoir des quantités d'information gigantesques.
Les hommes disposaient là d'un outil extraordinaire, qui allait leur donner
une liberté d'action qu'on ne trouve chez aucun animal.
Le langage les conduisit à se rassembler en tribus de plus en plus grandes. Partager l'information était la raison d'être de ces tribus.
La conscience d'exister, d'être libre, est, comme les émotions, une propriété émergente des formes de vie les plus évoluées. Est-elle partagée par des animaux, ou propre à l'homme? En tout cas, elle semble ne survenir qu'à partir d'une certaine augmentation de l'entropie, de la liberté, de l'information du vivant.
Lorsque deux tribus se rencontraient, il arrivait qu'elles partagent de l'information,
il arrivait également qu'elles se battent. Ces combats étaient, d'un point
de vue thermodynamique, semblables au frottement: de l'énergie dissipée. Ils
faisaient augmenter l'agitation, le désordre.
C'est le manque de liberté qui fut la cause des premières luttes. C'est le
manque d'information.
Avec les combats vint la peur de disparaître, et ces tribus inventèrent des
rites autour de la sexualité afin d'avoir une descendance nombreuse.
Avoir une descendance nombreuse paraissaient à ces hommes le meilleur moyen
pour persister en tant que tribu.
L'invention de l'écriture amplifia encore le phénomène de diffusion de l'information.
D'abord réservée à une élite, la lecture de livres devint de plus en plus
accessible.
Le phénomène d'augmentation croissante de l'information a conduit à ce que
de plus en plus de gens sachent lire et écrire. Cela permit aux idées nouvelles
d'être transmises à toujours plus de personnes.
Les hommes se rassemblèrent par millions.
Avec l'invention de l'écriture, les hommes se rassemblèrent en groupes de plus en plus grands, partageant une même information. Naissaient les civilisations.
Toutes les causes furent ramenées à une cause première, appelée en Occident Dieu.
La Bible décrit correctement l'évolution du monde, le ciel et les planètes,
dont la terre, puis l'apparition de la vie, plantes et animaux, puis enfin
l'homme.
Contrairement à l'Orient qui considérait que la Vie était la cause de l'univers
physique, l'Occident concevait que l'univers physique ait pu exister avant
la vie.
Cependant, si l'homme était libre, comment expliquer les combats?
Par manque d'information, les hommes imaginèrent qu'il était possible de faire
un mauvais usage de sa liberté. C'est la liberté de l'homme qui était la cause
première du désordre, car l'homme était libre de faire le mal.
Heureusement Dieu, créateur du monde, le guidait vers le bien. Les religions
virent en ce monde la manifestation de la grande lutte du bien contre le mal,
dont ils sortiraient vainqueur grâce à Dieu.
Les restrictions à la liberté afin de ne pas faire le mal y étaient clairement
expliquées, et une importance particulière était donnée au fait d'avoir une
descendance nombreuse.
Cependant, chaque mouvement religieux avait sa propre conception du bien
et du mal, de ce qu'il est permis de faire et de ce qu'il est interdit de
faire.
Cela est fondamentalement dû au fait que la liberté évolue; il y avait toujours
des groupes d'hommes pour discuter, puis rejeter telle ou telle restriction.
Comme les autres groupes n'agissaient pas comme il fallait, ces différents
mouvements luttaient régulièrement entre eux. Ainsi était justifiée l'idée
selon laquelle se déroule une grande lutte entre le bien et le mal.
Ils remerciaient Dieu de leurs victoires et attribuaient leurs défaites à
leur manque de ferveur.
Ces luttes leurs semblaient nécessaires, voulues par Dieu, afin de les mettre
à l'épreuve. Ils y voyaient la preuve de l'existence du mal.
L'idée selon laquelle la liberté est la source du désordre est fausse, d'un
point de vue thermodynamique. Cela reviendrait à dire que l'entropie est la
source de la chaleur.
C'est le frottement qui est à la source de la chaleur.
C'est la lutte qui est la source du désordre.
La lutte, le conflit sont l'équivalent à l'échelle humaine du frottement:
c'est de l'énergie utile convertie en énergie désordonnée, en énergie dissipée.
La liberté est la liberté de lutter ou ne pas lutter, de ne pas considérer
la lutte comme nécessaire. Elle dépend de l'information dont on dispose, du
degré de vérité avec lequel on voit le monde.
Ce partage de l'information par toujours plus d'hommes conduisit cependant
à découvrir des vérités sur la réalité physique, de plus en plus universelles.
Découvrir les lois du monde physique avait d'autant plus de sens que ce monde
avait existé avant la vie.
Peu à peu naissait la science.
Le partage des vérités scientifiques conduisit les hommes à une toujours plus
grande liberté d'action: ils se débarrassaient de certaines croyances religieuses,
et possédaient plus de contrôle sur leur environnement.
Les vérités scientifiques paraissaient plus éternelles, plus vraies que les
vérités religieuses. Que la Terre tourne autour du soleil devenait indiscutable.
Que Dieu existe devenait discutable.
Après la découverte et la mise sous forme mathématique de la loi de l'attraction
universelle par Newton, beaucoup virent dans la science l'outil qui pourrait
réunir les hommes et établir la paix sur la Terre.
Depuis Newton, la science a bouleversé le monde, changé des conceptions vieilles de milliers d'années, et permis aux hommes de fabriquer des outils leur donnant une liberté d'action impensable auparavant.
Nous n'aborderons ici que la série de découvertes qui a mené au présent texte, ainsi que la théorie de la relativité, pour ses conséquences.
Toutes les théories physiques modernes sont sous forme d'équations mathématiques. Personne n'oserait prétendre à une nouvelle théorie physique qui ne soit pas mathématisée. Une théorie physique qui n'existerait que sous forme de mots manquerait singulièrement de rigueur.
Cela ne signifie pas que les mots utilisés pour décrire les variables des équations soient sans importance. L'objet de ce livre est de démontrer l'importance qu'il y a à nommer correctement l'entropie. Mais cela signifie qu'une théorie qui n'existe que sous forme de mots, et pas du tout sous forme mathématique, n'est pas rigoureuse pour un physicien.
Malthus énonce mathématiquement que si une population ne cesse de se multiplier, elle devra lutter ou périr par manque de ressources.
Malthus n'avait pas les outils pour voir la vie comme un système tendant vers l'équilibre. Au contraire, influencé par l'idée biblique qu'il est naturel de "croître et se multiplier", il en déduisit la nécessité de se battre autour de ressources limitées.
A l'équilibre d'un
écosystème, la population de chaque espèce est stable. Certains naissent,
d'autres meurent, mais globalement rien ne change. Dire que chaque espèce
cherche à être la plus nombreuse possible reviendrait à dire que dans un verre
d'eau, chaque sorte de molécule – H2O, H3O+
et OH- - cherche à être la plus nombreuse possible.
Chaque espèce finit par être la plus libre possible, la plus informée possible,
et pas la plus nombreuse.
La thermodynamique fut une découverte majeure du début du XIX siècle. Pour
la première fois, une théorie physique, le second principe de la thermodynamique,
rendait le temps irréversible.
L'entropie d'un système physique augmente avec le temps. On ne peut pas revenir
en arrière.
Ce principe était, comme toutes les découvertes essentielles des siècles
précédents, sous forme mathématique. Mais la signification physique de l'entropie
n'était pas claire, son unité étant le Joule/Kelvin (énergie divisée par température).
L'entropie fut assimilée au désordre, et non à la liberté.
Dans le même temps, la chaleur était vue comme de l'énergie désordonnée et
la température comme de l'agitation, ce qui est parfaitement correct; mais
les savants de l'époque n'avaient pas les outils pour comprendre l'entropie
comme information et liberté.
Bien que les équations soient exactes, cette identification entropie=désordre
allait être lourde de conséquences.
Darwin découvre la théorie de l'évolution.
La théorie de l'évolution a ceci en commun avec la thermodynamique qu'elle
annonce elle aussi que le temps est irréversible: la vie évolue, l'homme y
compris.
La théorie de l'évolution ne sut pas formuler et mettre sous forme mathématique ce qui évoluait. Il était cependant clair que les espèces s'étaient transformées, et que ces transformations allaient dans un certain sens, et cela offrit un espace de liberté extraordinaire à la pensée humaine.
La vie ne montrait aucun désordre, l'entropie ne pouvait donc pas expliquer l'évolution de la vie.
L'explication fut l'alliance du hasard et de la sélection naturelle: par
hasard arrivait de petits changements, des bons et des mauvais, puis la sélection
naturelle éliminait les mauvais changements.
Ainsi la sélection naturelle ne crée rien; elle élimine. L'idée selon laquelle
il faut éliminer les moins évolués pour progresser est dangereuse, et a conduit,
au début du 20ème siècle, à des campagnes scientifiques de stérilisation
de ceux dont on jugeait qu'ils manquaient d'intelligence, et que c'était héréditaire.
L'évolution, pour les biologistes de la fin du 20ème siècle, est une combinaison de hasard et d'irréversibilité. S'ils n'assimilaient pas l'entropie au désordre, ces savants y verraient clairement la manifestation du second principe.
Darwin, tout en précisant clairement qu'il ne s'agissait là que d'une métaphore,
baptisa le moteur de l'évolution "lutte pour la vie".
Convaincu comme Malthus qu'il est naturel de se multiplier le plus possible,
Darwin croyait également à la nécessité de la lutte.
Cette idée avait des résonances religieuses, et évoquait la lutte du bien
contre le mal.
Il y avait cependant une idée vraiment nouvelle: si Dieu finit par faire triompher
le bien, c'est en permanence que la sélection naturelle choisit les bons changements
et élimine les mauvais.
L'expression "lutte pour la vie" fut utilisée pendant des dizaines d'années pour désigner le moteur de l'évolution.
Après la bombe atomique, elle ne fut plus enseignée.
On retrouve cependant encore à la fin du 20ème siècle, faute d'une
autre, cette métaphore dans la plupart des publications à caractère scientifique
traitant du vivant.
La vitesse de la lumière est finie. La lumière ne se déplace pas instantanément.
Malgré ce fait, il est impossible de 'courir' à coté d'un rayon de lumière,
juste un peu moins vite, pour le voir se déplacer lentement.
La lumière a la même vitesse pour tous les observateurs.
Ce fait extraordinaire semble différencier profondément la lumière et la
matière, et semble également limiter notre capacité à aller aussi vite qu'on
veut aussi loin qu'on veut.
La relativité explique qu'il n'en est rien.
Qui ne connaît la célèbre formule E=mc² ? Elle énonce que la masse d'un objet
contient une énergie gigantesque, égale à cette masse fois la vitesse de la
lumière, fois encore la vitesse de la lumière (appelée c dans cette équation).
C'est cette équation qui est fondamentalement appliquée pour produire de l'énergie
atomique, qu'il s'agisse d'une centrale nucléaire ou d'une bombe atomique.
Elle permet de voir la matière comme énergie, et donc comme lumière (car la
lumière possède une énergie qui dépend de sa fréquence, de sa 'couleur').
Elle permet également de voir la lumière comme matière: la lumière peut être
considérée comme une onde, mais également comme un flux de grains lumineux
appelés photons. Chaque point de vue est confirmé par l'expérience.
Il est intéressant de constater qu'on dispose d'une source d'énergie quasiment
infinie, l'énergie atomique, et que, au 20ème siècle, cette technologie
sert essentiellement à la guerre.
Ce n'est pas le manque de ressources qui est la cause des guerres.
C'est le manque d'information.
Personne ne peut dépasser, ni même atteindre la vitesse de la lumière. Pour
être précis, il faut une énergie infinie pour l'atteindre (quand on possède
une masse).
Malgré cette contrainte apparente, Einstein montra qu'il était possible d'aller
aussi vite qu'on veut aussi loin qu'on veut, sans pour autant dépasser ou
même égaler la vitesse de la lumière. Cela impliquait cependant de distinguer
le temps du voyageur (celui qui veut aller vite) du temps de celui qui reste
sur place, pour qui le voyageur doit mettre au moins le temps que met la lumière
à faire le voyage.
Il est possible de parcourir 50 années-lumière en seulement 49 ans, du point
de vue de celui qui voyage. Il suffit pour cela qu'il aille aux neuf dixièmes
de la vitesse de la lumière. Il peut même parcourir ces 50 années-lumière
en une seconde, s'il va à peine moins vite que la lumière.
Le monde relativiste, le vrai monde, notre réalité, en devenait plus riche
de possibilités.
Il est par exemple scientifiquement possible que, dans un avenir où nous saurons
nous approcher de la vitesse de la lumière, des hommes aillent de planète
habitée en planète habitée. Un tel homme, retournant sur une planète qu'il
avait visitée quelques années avant, pourrait la retrouver vieillie de plusieurs
milliers d'années.
Boltzmann, Shannon, Brillouin
Boltzmann établit que l'entropie d'un système est proportionnelle au logarithme
du nombre d'états possibles du système.
Puis Shannon invente la théorie de l'information. Remarquant la similitude
entre sa description mathématique de l'information et celle de l'entropie
trouvée par Boltzmann, il pose que l'entropie d'un système est sa quantité
d'information, la somme des quantités d'information possédées par chaque élément
du système.
Mais cette assimilation de l'entropie à l'information ne dure pas, car un
savant, Brillouin, montre que l'entropie mesure l'ignorance qu'on a d'un système.
Il appelle alors information la différence entre l'entropie du système à l'équilibre
et son entropie actuelle.
Les points de vue de Shannon et de Brillouin ne sont pas incompatibles, comme
il a été vu dans la première partie. Shannon parle de l'information des éléments
du système, et Brillouin de l'information qu'a un observateur extérieur au
système.
Si l'entropie n'avait pas été assimilée au désordre, si Brillouin avait appelé
connaissance, et non information, l'entropie du point de vue extérieur, elle
aurait sans doute été assimilée à l'information, comme le voyait Shannon.
Ainsi, bien que la thermodynamique statistique décrive correctement l'entropie en terme d'information, il y eut confusion dans l'usage des mots, le point de vue intérieur, préconisé par Shannon, fut de moins en moins utilisé, et le point de vue extérieur conduisit à assimiler l'information à la néguentropie, l'entropie négative.
Dans ce texte, on appelle connaissance l'opposé de l'ignorance (point de vue
extérieur), et le manque d'information l'opposé de l'information (point de
vue intérieur).
L'information (reçue par un élément) est donc l'ignorance (qu'a l'extérieur
de cet élément).
Puis vint la mécanique quantique et la théorie du big-bang, étroitement liées
à la thermodynamique statistique.
L'univers est né d'une création pure d'entropie, qui est devenue ce qu'il
est: des étoiles, des galaxies, des amas de galaxies, des supernovae, des
trous noirs.
La théorie de l'évolution évolue, elle aussi. Deux théories sont en concurrence:
les théories synthétiques et synergiques de l'évolution.
Toutes deux sont fondées sur l'idée que l'entropie est le désordre et l'ignorance,
et donc que la vie doit d'une manière ou une autre créer de la néguentropie,
de l'entropie négative.
Toutes deux considèrent que la vie avait une probabilité infime d'apparaître,
et s'émerveillent du miracle de la vie.
D'un point de vue philosophique, on peut s'interroger sur la validité d'une
théorie qui prétend que le monde actuel ne devrait statistiquement pas exister.
En fait, une théorie qui prétend qu'un phénomène existant avait une chance
sur un milliard d'apparaître a seulement une chance sur un milliard d'être
vraie.
Aucune de ces deux théories ne peut clairement donner son point de vue sous forme d'une équation mathématique toujours vérifiée.
Ignorant la nature profonde de l'entropie, qui est liberté et information
pour les éléments du système, ces théories décrivent la vie luttant contre
l'entropie, reprenant ainsi la métaphore darwinienne. Les biologistes voient
bien que l'évolution est une combinaison de hasard et d'irréversibilité, mais
– hypnotisés par l'assimilation entropie=désordre=ignorance - , ils ne voient
pas que l'évolution est simplement l'entropie qui augmente, la liberté, l'information
de chaque être qui augmentent.
Toutes deux voient clairement que, souvent, c'est la complexité qui évolue,
mais ont du mal à définir cette complexité, et ne considèrent pas que la complexité
est simplement une conséquence de l'emboîtement des systèmes, de l'augmentation
de l'entropie à toutes les échelles.
Même un système aussi simple que 3 corps soumis seulement à la gravité constitue un système chaotique. Cela signifie que, sans une précision infinie concernant la position et la vitesse initiale des trois corps, le comportement du système est imprévisible. De très légères variations dans un de ces facteurs entraîne une modification radicale du comportement ultérieur.
Ilya Prigogine, prix Nobel de chimie, poussa assez loin l'idée selon laquelle c'est ce chaos qui conduisit à la vie. Cependant, de son propre aveu, cela mettait en jeu des probabilités trop faibles. Prigogine, comme tant d'autres, assimilait l'entropie au désordre, mais il répandit cette idée que la vie n'est peut-être qu'une conséquence des lois de la physique.
Ce que montre réellement la théorie du chaos, c'est que la description statistique
du monde est correcte, même si ce qu'on considère aujourd'hui comme les particules
élémentaires est encore divisible. Tout système chaotique est fondamentalement
imprévisible, mais on peut prévoir les probabilités de ses futurs possibles.
Le principe d'incertitude, qui rend impossible la connaissance infinie de
deux quantités physiques conjuguées, comme position et quantité de mouvement,
ou énergie et durée, fait que tout système est fondamentalement imprévisible,
possède ce qu'on appelle en mécanique quantique un horizon temporel.
Cela ne veut en aucun cas dire que tout est possible, excepté théoriquement.
Expliquer le monde en faisant intervenir des probabilités si faibles qu'elles
pourraient à peine avoir lieu une seule fois quelque part dans l'univers depuis
qu'il existe n'est pas raisonnable, en tout cas pas plus que n'importe quelle
croyance.
D'un point de vue thermodynamique, ce qui caractérise la fin du 20ème
siècle est son agitation croissante, son désordre croissant.
Désordres sociaux, familiaux.
Crises économiques, crises politiques.
Tout le monde s'agite.
Chacun essaye de mettre de l'ordre dans sa vie, au milieu du désordre ambiant.
Ca chauffe de plus en plus.
Darwin utilisa l'expression "lutte pour la vie" dans un sens métaphorique
pour désigner le moteur de l'évolution.
Pour des millions d'hommes, lutter pour survivre est devenu une nécessité.
Les états modernes sont en lutte pour accéder aux ressources naturelles de
la planète.
Ils se livrent entre eux à une lutte économique sans merci.
Intérieurement, ils ont à lutter contre le chômage, les maladies, la pollution,
la pauvreté, l'intolérance, …
Partout apparaissent des conflits sociaux.
Les individus vivent des conflits familiaux, des conflits conjugaux, des
conflits intérieurs.
Les hommes luttent contre la nature.
Les films les plus regardés racontent l'histoire de héros qui luttent et
qui gagnent.
Les jeux les plus regardés organisent des luttes pour sélectionner le meilleur
qui gagne.
Les religions pré-scientifiques invoquent de nouveau la lutte du bien contre le mal.
Ceux qui assimilent l'entropie au désordre voient la vie lutter contre l'entropie.
Ils ne voient pas que lutter contre l'entropie, c'est lutter contre la liberté,
contre l'information, contre la vie.
En vérité, c'est par manque d'information que les hommes ne voient pas d'autre solution que de se battre.
Le principe de sélection est appliqué à tous les niveaux de la société:
L'école sélectionne les meilleurs avec des devoirs et des notes.
Les entreprises sélectionnent les meilleurs suivant leurs aptitudes au travail.
Les hommes et les femmes se sélectionnent les uns les autres, cherchant celui
ou celle qui lui conviendra le mieux suivant des critères toujours plus difficiles
à satisfaire.
Des hommes sont élevés, logés, nourris comme des animaux d'élevage.
Et tant pis pour celui qui ne triomphe pas des épreuves de la vie. Tant pis pour celui qui refuse de se battre. Il disparaît par sélection naturelle.
En vérité, c'est le plus libre et le plus informé qui est sélectionné par
la sélection naturelle. L'évolution n'avance pas par élimination des moins
évolués. C'est la liberté et l'information personnelles qui augmentent avec
le temps.
C'est par manque d'information que les hommes ne savent comment vivre mieux
ensemble.
Les biologistes déclarent que la science n'est pas finaliste, que la vie
n'a pas de but, et énoncent dans le même temps que le but de la vie est la
survie, la reproduction.
Certaines théories vont jusqu'à dire que nous ne sommes que le support de
notre code génétique, qui est une machine à se reproduire.
Malthus a bien démontré que si le but d'une espèce est de se reproduire, une
telle stratégie conduit à la disparition, et rend la lutte nécessaire; mais
il n'a pas vu que le but de la vie était autre.
Toutes ces théories sont fondées sur une opposition entre le vivant et l'inerte.
En vérité, la vie, comme l'inerte, a pour 'but' toujours plus de liberté. Tout écosystème tend vers l'équilibre.
Dans le cadre de la reproduction, cette liberté s'est manifestée par le passage de la scission à la reproduction d'un code génétique, puis à la reproduction sexuée. A chaque étape, la liberté de la descendance augmente, l'entropie augmente.
La science est devenue une arme aux services de gouvernements ayant à lutter
contre toujours plus d'ennemis, intérieurs et extérieurs.
Toute recherche scientifique susceptible d'être utilisée à des fins militaires
est placée sous contrôle de l'armée.
Cela comprend pratiquement tous les domaines de recherche.
Peu de chercheurs ont la chance de pouvoir réfléchir tranquillement à ce qui
leur plait.
La science est compartimentée, sciences exactes et sciences humaines s'ignorent l'une l'autre, et rares sont les spécialistes à la fois en thermodynamique statistique et en théorie de l'évolution.
La lutte est semblable au frottement, en ce qu'elle fait augmenter la température.
Choisir à l'échelle de la planète que la lutte soit nécessaire crée d'importants
frottements.
Lorsqu'on frotte deux morceaux de bois, ils s'échauffent. Si on les frotte
suffisamment longtemps, ils finissent par s'enflammer.
C'est une formidable énergie humaine qui est ainsi dissipée, dépensée dans diverses luttes à tous les niveaux.
Cela ne change rien au fait que l'entropie augmente, que la liberté augmente, que l'information augmente. Mais cela rend possible que l'humanité disparaisse.
La lutte augmente le désordre, et la liberté augmente plus dans l'ordre.
L'information essentielle que nous aura fourni cette période de l'histoire
est que:
1/ Nous sommes effectivement extrêmement libre.
Les pires atrocités ont été commises, des innocents, croyants et incroyants,
ont été emprisonnés, torturés, par millions, sans qu'aucun des dieux disponibles
ne lève le petit doigt. Si Dieu existe, il n'intervient pas.
2/ Nous respectons les lois de la physique.
Les hommes ont longtemps cru que la vie était capable de défier les lois de
la physique, que certains hommes pouvaient faire des miracles. Cela n'est
pas nécessaire pour expliquer le monde. L'augmentation de l'entropie suffit.
En vérité, il est merveilleux que nous respections les lois de la physique,
car elles énoncent que notre liberté et notre information, en tant que membres
de l'écosystème Terre, augmentent sans cesse.
En cette fin de millénaire comme à tout instant, de nouvelles idées apparaissent
sans cesse pour faire évoluer l'homme vers plus de liberté. L'information
augmente et les moyens de communication permettent sa diffusion plus vite
que jamais.
Toute l'infrastructure est en place pour une augmentation forte de l'entropie.
Sur le plan spirituel naissent de nouvelles religions fondées sur l'idée
d'un Dieu de liberté, et non de tabous à devoir respecter sous peine d'être
puni.
De plus en plus de gens cherchent comment vivre mieux ensemble, comment mieux
communiquer, comment être plus en accord avec eux-mêmes.
Le fait que l'humanité puisse effectivement se détruire amène de plus en plus de gens à s'interroger et à remettre en cause de vieilles certitudes afin d'éviter cette fin.
La théorie de l'évolution peut atteindre au statut de science exacte. Ce
qui évolue est la liberté des êtres vivants, la quantité d'information qu'ils
reçoivent.
La vie est de plus en plus libre, et donc de plus en plus variée, de plus
en plus complexe.
Ce qui caractérise l'évolution des espèces n'est pas que les animaux plus
évolués ont plus de descendants, mais que leur descendance est de plus en
plus variée.
La loi d'augmentation de la liberté et de l'information est la 1ère
loi de la science. Elle explique l'évolution de l'inerte comme l'évolution
du vivant.
Vivant et inerte obéissent à la même loi. L'univers entier est soumis à une
même loi, qui se manifeste à toutes les échelles de temps et d'espace, et
cette loi énonce que l'information et la liberté augmentent avec le temps.
La science n'est pas finaliste, dans la mesure où la liberté n'est pas un
but qu'on puisse clairement définir. Il est par exemple impossible de prévoir
vers quoi évoluera l'espèce humaine, même si on peut dire que les êtres humains
seront de plus en plus libres et de plus en plus informés. Car l'essence même
de la liberté est l'imprévisibilité.
Toutes les théories visant à définir l'espèce humaine du futur sont ainsi
scientifiquement infondées, autant que les théories visant à prévoir plus
loin que l'horizon temporel quantique.
Toutes les théories incitant à une conservation de la 'pureté' de la descendance n'ont aucune justification scientifique, thermodynamique: au contraire, le mélange des lignées est le meilleur moyen pour le vivant d'augmenter sa liberté, son entropie.
La communauté scientifique à tout à gagner à énoncer cette vérité. Outre
le fait que la science ne pourra plus servir à justifier toute forme de racisme,
d'égoïsme ou de lutte, cela permettra à de nombreux chercheurs de pouvoir
enfin se consacrer aux sujets qui les passionnent.
Les progrès scientifiques et technologiques vont pouvoir faire un bond en
avant extraordinaire.
Pendant que vous lisez cette phrase, vous êtes libre de lever le bras, ou
pas. Que vous choisissiez de lever le bras ou pas, vous respecterez les lois
de l'univers physique.
L'univers n'est pas déterministe, et n'est pas non plus régit par le hasard,
mais par l'entropie. L'entropie mesure la liberté et l'information des éléments
d'un système. Elle augmente sans cesse.
L'entropie explique qu'apparaissent des formes stables, et que ces formes
manifestent de nouvelles propriétés émergentes et de plus en plus de complexité.
D'un point de vue philosophique, voir l'entropie comme liberté et information
est riche de conséquences. La vie n'a plus à s'opposer à l'entropie.
Il est remarquable que l'émergence, cette merveilleuse conséquence de l'entropie,
n'ait pas été remarquée plus tôt. Assimiler l'entropie au désordre et à l'usure
a conduit à diverses théories pour expliquer l'émergence, faisant toutes appel
d'une manière ou une autre à une source de néguentropie, d'entropie négative.
Mais il n'existe pas de source d'entropie négative. L'information et la liberté
des éléments d'un système augmentent toujours. L'émergence vient du fait que
les systèmes à l'équilibre se manifestent comme des unités, avec certaines
propriétés (appelées propriétés émergentes).
Il est également remarquable que la complexité n'ait pas été vue comme une
conséquence de l'entropie. Une fois de plus, l'assimilation de l'entropie
au désordre à mis des œillères à la pensée.
L'univers tend vers toujours plus d'ordre et de liberté.
La 'mort thermique', la fin du monde, apparaît bien différemment avec un
point de vue correct sur l'entropie.
Le monde est de plus en plus vivant, l'entropie conduit à des formes de vie
toujours plus variées, toujours plus libres et toujours plus complexes, présentant
de nouvelles propriétés émergentes, comme l'émotion ou la conscience.
Des formes de vie de plus en plus complexes, de plus en plus grandes, vont
apparaître.
L'univers étant déjà très froid, et en expansion, il va devenir de plus en
plus calme.
On peut imaginer qu'à la fin du monde, lorsqu'il sera à l'équilibre, nous
ne formions qu'un seul être totalement libre, totalement conscient, calme.
Puisque l'évolution conduit à de plus en plus de vie, il est logique de conclure qu'à la fin du monde, l'univers dans son ensemble ne formera qu'un seul être.
Que le simple fait d'appeler l'entropie liberté et information, et non désordre, ait tant de conséquences amène évidemment à réfléchir sur le langage. De nombreux philosophes tentent déjà de considérer le langage d'un point de vue thermodynamique. Analyser correctement la signification de l'entropie du langage devrait être fructueux.
Nous sommes loin de la vision de Teilhard de Chardin, philosophe, scientifique et chrétien, qui voyait dans le monde l'opposition de L'Entropie et de l'Esprit Sain, version moderne de la lutte du bien et du mal. En reprenant sa terminologie, on pourrait dire que l'Esprit Sain et l'Entropie sont une seule et même chose, ce qui mène la vie vers toujours plus de conscience.
Il n'y a pas de mal. Il n'y a pas de source de néguentropie, d'entropie négative.
Le seul mal est le manque d'information, le manque de liberté, qui parfois
ne laisse d'autre choix que la lutte, qui conduit au désordre. Avec le temps,
l'information et la liberté augmentent, c'est la première loi de notre science.
Avec le temps, l'ordre augmente, car l'univers est en expansion, de plus en
plus froid. Et la liberté augmente plus dans l'ordre.
Deux vieilles conceptions doivent aujourd'hui être dépassées:
1/ la liberté est la cause du mal, c'est elle qui conduit au désordre.
Ce n'est pas la liberté qui conduit au désordre, mais la lutte. Ce n'est pas
l'entropie qui réchauffe, c'est le frottement.
2/ notre but est de 'croître et se multiplier'.
Notre 'but' est d'atteindre à la liberté maximale. Si cela peut conduire
certaines espèces à se reproduire dans un premier temps, à l'équilibre, le
nombre d'êtres de chaque espèce est stable.
La plupart des religions identifient d'une part ce vers quoi nous tendons,
nous, l'humanité, la vie, et d'autre part ce qui a crée l'univers tel que
nous le connaissons, Dieu. En fait, Dieu, créateur de cet univers, est donc
extérieur à cet univers, il est observateur du système qu'est ce monde.
Que Dieu soit extérieur au système dont nous faisons partie a des conséquences
intéressantes, d'un point de vue thermodynamique.
Si Dieu existait avant l'univers, et a créé l'univers, alors la connaissance
qu'il avait de nous à l'origine était maximale, puisque l'entropie était minimale.
En créant la loi de l'augmentation de la liberté, il fit le big-bang qui a
conduit à cet univers.
L'entropie ne cesse d'augmenter, notre liberté ne cesse d'augmenter et la
connaissance que Dieu a de nous ne cesse de diminuer.
A la fin du monde, son ignorance de nous sera totale, nous formerons un seul
être et serons parfaitement libres. Et cette situation sera éternelle.
On peut imaginer que, durant cette éternité, nous choisirons de retourner
le processus, d'être le Dieu de Dieu, de laisser sa liberté augmenter et la
connaissance qu'on a de lui diminuer.
Dieu n'est pas l'alpha et l'oméga. Si Dieu est le créateur de cet univers, alors il n'est pas ce vers quoi nous tendons. Cette confusion entre Dieu créateur du monde et Dieu unité vers laquelle nous évoluons est ce qui rend apparemment incompatibles religions occidentales et orientales. Une vision thermodynamique permet d'y voir plus clair: nous évoluons vers un être, que certains appellent Dieu, ou Brahmâ, de liberté totale et d'information totale. Cet être n'a rien à voir avec Dieu, créateur de l'univers, qui évolue vers un être n'ayant plus aucune connaissance de notre nature.
Notre liberté augmente, et donc la connaissance qu'aurait de nous un être
extérieur à l'univers diminue sans cesse.
Si Dieu existe, il ne doit plus rien comprendre à tous ces gens qui ne croient
pas en lui, et agissent en dépit de toute règle. Et cela ne va faire que s'accentuer.
Nous nous détachons de plus en plus des rituels, des anciennes croyances.
La liberté de pensée, la liberté religieuse que nous connaissons aujourd'hui
en occident était impensable au moyen-âge.
L'homme est un animal communiquant qui, grâce au langage articulé, a pu partager
de plus en plus d'information. Avec l'invention de l'écriture, puis Internet,
la transmission d'information est devenue de plus en plus facile et rapide.
Nous entrions dans la société de l'information, de la liberté.
Grâce à Internet, la liberté de pensée a fait un bond en avant colossal. Des
millions de gens ont pu partager leurs idées, et les rendre synthétiques.
Les sujets les plus divers peuvent être abordés.
L'augmentation de la liberté et de l'information est inéluctable. A l'échelle
de l'humanité, nous tendons a être, tous, de plus en plus libres et de plus
en plus informés. Car c'est la loi de la nature, la 1ère loi de
notre science, disait Einstein, qui gouverne l'inerte comme le vivant.
La sélection naturelle n'est pas nécessaire pour expliquer le monde, la thermodynamique
suffit. De plus en plus de gens vont faire le choix de ne pas tenir compte
des grilles actuelles de sélection, pour manifester leur liberté.
L'éducation va être de moins en moins basée sur l'aptitude des enfants à passer
des examens et à avoir de bonnes notes dans les matières qu'on leur impose,
et plus sur leur aptitude à comprendre les principes qui régissent le monde,
et à manifester leur liberté en retour.
L'état considère au 20ème siècle comme nécessaire de contrôler
la population, de peur qu'une trop grande liberté individuelle soit source
de désordre. En entrant en conflit avec la population, c'est l'état lui-même
qui crée le désordre qu'il désire résorber. La population, par manque d'information,
estime également qu'une trop grande liberté individuelle serait source de
désordre. Ainsi, elle valide le contrôle étatique, tout en se plaignant de
toujours plus de désordre.
Le rôle de l'état est de garantir à tout citoyen ordre et liberté. Il doit
pour cela tenir compte des théories scientifiques, et des conseils d'experts.
La nouvelle vision scientifique du monde devrait conduire à des gouvernements
désireux de laisser un maximum de liberté à la population, tout en informant
clairement ceux qui croient encore aux vertus de la lutte ou du conflit.
A vrai dire, les conséquences sociales d'un changement de vision scientifique du monde sont comparables à ceux induits à d'autres époques par une nouvelle religion. Cela a des répercussions à plein de niveaux, du sentiment individuel aux relations entre états, en passant par les relations interpersonnelles.
De nombreuses théories du 20ème siècle sur l'homme le décrive
comme séparé, composé de deux parties, de deux pôles en conflit. Ainsi de
nombreuses personnes vivent de profonds conflits intérieurs.
En fait, nous sommes tous des unités, des systèmes à l'équilibre, possédant
une quantité d'information gigantesque, une liberté gigantesque, comme aucune
autre forme de vie sur Terre n'en a jamais connue, et participant à un mouvement
qui englobe tout ce qui existe, inerte ou vivant, et qui conduit à toujours
plus de conscience.
Cette vérité, aussi vraie que la terre tourne autour du soleil, devrait amener des centaines de millions de gens à se sentir infiniment mieux.
Toutes les spiritualités qui font référence à une source de vie, à une force
de vie, une énergie vitale, énergie spirituelle ou autre force de la prière,
cherchent ailleurs ce qu'elles ont sous les yeux (c'est souvent ce qu'elles
disent elles-mêmes, d'ailleurs: que le problème est qu'on cherche ailleurs
ce qu'on a sous les yeux).
L'entropie est la source de liberté qu'elles cherchent.
Les nouvelles spiritualités peuvent maintenant s'appuyer sur la physique pour décrire leur manière de manifester leur liberté. La science ne s'oppose à rien et ne contraint personne. Elle dit ce qui est.
Nul ne peut enfreindre le principe de liberté. Nul ne peut diminuer la liberté.
La liberté augmente toujours, qu'on le veuille ou non.
Observez le monde autour de vous et vivez cette vérité. Voyez la liberté exploser
dans toutes les directions. Voyez comme de plus en plus de gens cherchent
à mieux vivre, à être plus heureux, à se sentir plus libre. Voyez comment
la science, clairement exposée, peut conduire à une nouvelle spiritualité
qui changera le monde.
La vérité est belle.
La vérité est simple.
La vérité est calme.
La vérité ne donne tort à personne, ne condamne personne.
Elle ne dicte aucune conduite, n'ordonne rien, n'interdit rien.
Elle dit ce qui est.
Elle donne à chacun information et liberté.
Elle rappelle qu'il est dans la nature du monde que nous soyons de plus en plus conscients de la nature du monde.
L'entropie mesure la liberté et l'information des éléments d'un système.
La chaleur mesure le désordre d'un système.
La lutte cause du désordre, comme le frottement cause de la chaleur.
C'est par manque de liberté, c'est par manque d'information que des hommes
croient que la lutte est nécessaire pour avoir de l'ordre.
La liberté est la liberté de choisir de ne pas lutter. Elle est le fruit d'une
information correcte sur les conséquences de la lutte.
Ordre et liberté vont ensemble. Ce n'est pas en luttant contre la liberté qu'on créera de l'ordre. Ce n'est pas en luttant pour la liberté qu'on l'obtiendra. Notre liberté, à nous êtres humains, éléments de l'humanité, augmente sans cesse. Notre information augmente sans cesse. C'est une loi de la nature.
La science, depuis le 19ème siècle, décrivait le monde sous un
jour peu sympathique: le désordre y augmentait naturellement, la vie y luttait
continuellement. Il y eut ceux qui étaient résolument scientifique, et si
le monde était moche, et bien il fallait faire avec; il y eut ceux qui rejetèrent
la science pour vivre dans un monde meilleur.
Aujourd'hui, il est possible d'être scientifique et satisfait du monde tel
que la science le décrit. Car la liberté y augmente sans cesse, et l'information
y augmente sans cesse.
Il est possible d'être scientifique et pleinement confiant en l'homme, pleinement
satisfait de la nature humaine, qui est d'aller vers toujours plus de liberté
et d'information.
Il est possible d'être scientifique et de ressentir profondément non pas que
nous ne faisons qu'un, mais que nous sommes tous unis par une même loi, un
même principe, qui se manifeste à toutes les échelles de temps et d'espace,
et qui est un principe d'augmentation de la liberté et de l'information.
Même si les idées présentées ici peuvent évoquer d'anciennes vérités religieuses
ou spirituelles, celles-ci n'avaient jamais été présentées sous forme mathématiques,
n'avaient jamais été scientifiques; elles étaient toujours teintées d'anciennes
superstitions.
Le fait de savoir que le monde va vers toujours plus de liberté nous offre
une base scientifique solide pour éliminer toutes les théories, tous les déterminismes
qui conduisent à vouloir restreindre la liberté. Le déterminisme biologique,
en particulier, qui est fondamentalement issu de l'idée que la sélection naturelle
élimine le moins évolué, et qui conduit à éliminer d'une manière ou une autre
des catégories d'individus sur des critères biologiques, devient scientifiquement
infondé. La nature ne fonctionne pas par élimination, mais par création: non
pas par création de matière ou d'énergie, comme le prétendaient les créationnistes,
mais par création d'entropie, d'information, de liberté.
La loi du plus fort n'est pas la loi du plus fort à la guerre. Le plus fort
est le plus libre et le plus informé. C'est pour cela que les hommes sont
plus forts que les lions. C'est pour cela que les partisans de la liberté
informent les partisans de l'ordre, et que les deux réalisent qu'ils sont
dans le même camp. Parce que la liberté augmente plus dans l'ordre. Parce
que lutter contre la liberté, c'est créer du désordre.
Les désastres écologiques, les déséquilibres économiques entre nord et sud,
entre blancs et noirs, les guerres au nom de l'ordre et de l'accès à des ressources
trop rares, les théories conduisant au racisme, à l'égoïsme ou à la lutte,
tout cela ne sera bientôt qu'un souvenir.
L'épopée humaine ne fait que commencer. Nous pouvons vivre dans un monde en
paix, uni par la science, conscient aux plus hauts niveaux que tout est régi
par un principe de liberté croissante, d'information croissante. Après l'enfance
pré-scientifique, après une crise d'adolescence un peu agitée, nous sommes
prêts, en tant qu'humanité, à nous comporter un êtres matures, conscients
de notre place dans l'univers. Cette évolution était inéluctable, est irréversible.
Car il est dans la nature du monde que nous soyons de plus en plus conscients
de la nature du monde.